Ils sont là, dans le jardin, assis au bord du ruisseau, ils s'embrassent, ils s'enlacent. Bientôt, il lui dira qu'il a envie de la voir nue sur l'herbe, il la caressera, de longues caresses appuyées, sur tout son corps, comme s'il voulait y coller un adhésif en chassant les petites bulles d'air.

Mais je serai loin déjà, je n'entendrai ni ne verrai rien de tout ça. J'aurai trouvé la petite porte au fond du jardin, petite porte étroite, cachée par la végétation, dure à ouvrir, les gonds grippés. J'aurai ouvert la porte, me serait inclinée, tête baissée, comme honteuse, et serai partie sur le chemin qui se trouve derrière elle, sans un regard en arrière, mais sans la fermer après mon passage.

J'avance sur mon chemin, pas à pas. Je ne regarde pas loin, surtout pas l'horizon, juste deux ou trois mètres devant moi, je focalise sur ce petit espace entre le point où j'en suis, et deux pas plus loin. J'ignore où ce chemin va, j'avance, je le découvre pas à pas, pas avant.

Mais je ne peux m'empêcher de rêver, d'imaginer. Imaginer, j'ai le droit? Il n'y a que sur les actes que flotte l'interdit! Alors, réalité, ou fruit de mon imagination, dans l'espace de deux pas, s'imaginent des bifurcations :

Je marche depuis des jours déjà, j'ai déjà parcouru un nombre incalculable de kilomètres, lorsque je l'entends, m'appeler, derrière moi. Il arrive essoufflé, il a couru pour me rattraper,

-Comment es tu passé? la porte était si étroite et tu es si grand?

-Quelle porte? j'ai escaladé le mur voyons! Et si nous discutions? Tu trembles? Tu as peur?

Oui bien sur j'ai peur. J'ai peur et j'ai honte. Honte de l'avoir bousculé, de l'avoir sorti de sa zone de confort, avant, il ne se posait pas de questions, il allait mieux que doucement. Et peur qu'il m'en fasse reproche. C'est un chemin possible, alors oui, j'ai peur.

-Tu crois vraiment que j'aurais couru tout ce chemin pour venir te dire des choses désagréables?

-Ben, je ne sais pas, oui, tu pourrais me dire de cesser de t'écrire, de cesser de t'envoyer des pensées, de cesser de partir marcher chaque matin avec ton t-shirt, de cesser de t'aimer.

-Non, c'est pas ça que je voulais te dire...

C'est un autre pas possible, après lequel, ensemble nous ferions demi-tour pour retourner au jardin perdu.

Il y a aussi un chemin de silence, qui s'éternise et où mes forces s'amenuisent, jusqu'à ce que les pas eux même me fassent oublier la raison pour laquelle je marche. Mon regard alors défocalisera, je verrai un peu plus large, un peu plus loin que le bout de mes souliers, je recommencerai, petit à petit, à entendre les oiseaux, à voir les sommets, à sentir le vent sur ma peau. C'est un chemin triste et long, mais le temps est un allié, c'est lui qui préside à ce voyage dont j'ignore l'issue, mais dont je suis la nouvelle passagère.

2 au 15 juillet 2015

Tag(s) : #mot d'absence